Si elle s’est légèrement atténuée depuis quelques semaines, notamment grâce aux vacances de la Toussaint, la baisse du marché français reste néanmoins préoccupante aux yeux des professionnels du tourisme. Quoi de plus normal pour une destination dont l’Hexagone constitue le premier marché émetteur avec 50% des flux vers une ville comme Marrakech. Que ce soit auprès des TO ou des autres canaux de distribution, il y a une désaffection.
«Le consommateur français a été choqué par les images d’Hervé Gourdel, décapité en Algérie, et immédiatement les ventes se sont effondrées», rappelle René Marc Chikli, président du Syndicat français des entreprises des tour-opérateurs (Seto), invité à un débat organisé par Atlas Voyage le 29 octobre dernier. C’était en 2014 et depuis, les événements qui s’en sont suivis avec leurs effets -Quai d’Orsay, Charlie, les attentats en Tunisie- n’ont pas rassuré les Français qui se sont détournés de toutes les destinations du monde arabe.
Le Seto relève dans son dernier baromètre semestriel (du 1er mai au 31 août) une baisse de 30% des forfaits voyages sur le Maroc durant l’été dernier. Avec ses 83.429 forfaits, le Royaume fait tout de même mieux que la Tunisie qui, elle, en est à -55% de clients sur la même période alors que la Turquie accuse une baisse de 36%. La Grèce, l’Espagne et les Canaries ont largement profité, à offres plus chères, du mal de séduction des pays arabes auprès des touristes français.
Les voyagistes français ont ainsi fait voyager à forfait 1.891.821 clients l’été dernier. Dans le long courrier, Cuba, Japon, Canada, Pérou, Seychelles sont au top 5 des destinations favorites, alors que les questions de sécurité et la menace Daesh enfoncent le clou pour les destinations de la région Mena. En dix ans, les TO du Seto ont perdu 750.000 clients dans la région, particulièrement à partir de 2010-11 et le «printemps arabe». Soit -18 points. « Ces 750.000 clients sont partis sur d’autres destinations, et pour nous, l’idéal serait bien sûr que la tendance reparte dans l’autre sens », espère le président du Seto.
Malgré ces baromètres alarmants, au Maroc, il y a un consensus de repli qui s’installe sans qu’il y ait une communication appropriée et du lobbying sur ce marché, soulignent les opérateurs. Mieux, les institutionnels marocains sont presque dans le déni et pour eux, la baisse du marché français ne serait pas aussi importante sur les autres canaux de vente (online et les voyages directs). Pour l’ONMT, le canal des TO est donc passé d’une part de 22% à 8% sur le total des voies de réservation (cf. leconomiste du 10 juillet 2015).
Les analystes touristiques, eux, estiment que les tendances baissières sur le marché français sont les mêmes pour les trois fournisseurs avec un léger «mieux» pour les agences en ligne qui proposent, elles, des offres de dernière minute.
En l’absence de statistiques réelles, démontrant les parts de chaque canal, seul le baromètre du Seto donne aujourd’hui la tendance. Et celle de l’hiver 2015-16 laisse présager une amélioration, indique le baromètre du Seto malgré le retard important pour le Maroc dans les réservations. Et si elles se confirment, ces améliorations pourraient atténuer les baisses et le Maroc pourra récupérer 5 autres points. Encore faut-il que la situation géopolitique se stabilise et que la communication soit mieux ciblée.
Communiquer sur les paysages touristiques n’est plus aussi attractif en ces moments de tourmente. L’accent devra être mis sur les réseaux sociaux, recommande Chikli, mettant en avant les expériences des Français qui ont choisi de faire confiance au Maroc. De même que le Seto reste ouvert à toute forme de partenariat pour soutenir la destination sur le marché français, insiste le président des tour-opérateurs français.
Badra BERRISSOULE
@L’Economiste
